«Mine de rien,
le handball me sauve un peu la vie»
Delphine Thiam est une joueuse emblématique de l’ESSAHB (Strasbourg/Schiltigheim) qui évolue en Nationale 2. Mais Delphine Thiam, durant cette saison 2024/2025, est surtout en train de vivre une épreuve pas comme les autres. Atteinte d’un cancer du sein, elle n’aura pourtant manqué qu’une poignée de matches durant son traitement. Son attachement viscéral au handball lui servant de fil conducteur, ou plutôt de fil d’Ariane, pour la mener à la guérison.
Le déroulé des faits est établi. Il reste à parler de l’essentiel, de tout ce qu’il y a autour. Des sentiments. Des ressentis. Et d’une autre épreuve, celle d’annoncer la mauvaise nouvelle.
«Tu ne veux pas,
mais tu perturbes leur vie aussi
et c’est horrible»
«Vu les circonstances, mes collègues étaient presque les premiers à être au courant. Ma mère et mon frère sont venus aux Jeux, je n’ai rien dit, je ne voulais pas leur gâcher ce moment, ma mère m’a d’ailleurs remerciée après. Je savais que mes parents n’allaient pas comprendre pourquoi ça m’arrive à moi et pas à eux. Mon père, la première chose qu’il m’a dite c’est “Donne-moi ce truc-là”.
Cela nous a rapprochés dans la famille. Tu ne veux pas, mais tu perturbes leur vie aussi et c’est horrible.
À mes coéquipières, je l’ai annoncé dans le vestiaire après un match parce que je commençais à perdre mes cheveux. J’ai d’abord dit que j’avais des problèmes de santé qui allaient m’éloigner des terrains avant d’expliquer les choses clairement pour éviter les spéculations.
C’était très difficile à annoncer parce que cela atteignait maintenant mon sport, ma passion. Malgré les problèmes inévitables dans toutes les équipes, les tensions passagères, on s’aime beaucoup dans ce groupe et on se prend aussi une vague d’amour.»
«Je n’avais pas envie d’en parler.
Le handball, c’était comme une soupape,
une bulle d’air»
Très longtemps, Delphine Thiam a préféré garder pour elle et ses très proches son état de santé comme un jardin secret.
«Je n’avais pas envie d’en parler. Le handball, c’était comme une soupape, une bulle d’air. Je ne voulais pas avoir ce regard posé sur moi, que l’on me dise “Oh, ma pauvre”… Je suis assez fière que ce soit resté confidentiel de cette façon.
Mais à la fin de mes chimios, j’avais besoin d’en parler, comme pour marquer une étape, et je l’ai fait sur mes réseaux sociaux. Ça me permet de ne plus avoir à me cacher.
Bizarrement, j’avais un peu honte d’être malade. Parce que ça m’affaiblit. J’ai mis du temps à mettre un mot sur ce que je ressentais.
«L’acceptation est une étape très difficile,
mais accepter de perdre ses cheveux,
c’est encore pire»
Je n’ai pas encore compris ni accepté que j’étais malade. J’étais en forme, j’ai commencé à être malade quand je me suis soignée, c’est ça qui est terrible.
L’acceptation est une étape très difficile, mais accepter de perdre ses cheveux, c’est encore pire. C’est une obsession pour toutes les nanas que je rencontre dans ce parcours, presque la seule même.
La perte des cheveux, c’est une image très connotée cancer. Et je ne voulais pas être une malade. Je ne voulais pas que mes adversaires le sachent sur le terrain, alors il a fallu trouver comment faire avec mes cheveux. J’ai la chance d’être Métisse, les Noirs ont toujours des coiffures “fausses” et j’ai trouvé une perruque adaptée.
Je voulais que le handball reste ma zone de normalité, ma bulle d’air et d’oxygène.»
(À suivre…)
Illustrations…

«Avec Yvan et ma maman au Grand Palais où se déroulaient l’escrime et le taekwondo. J’ai choisi cette photo et les suivantes pour montrer que même si j’avais déjà l’information de mon cancer, la vie devait continuer. Pour moi, mais surtout pour mes proches.»

«Chez nos amis Clarisse et Brice qui nous hébergeaient.»


«Avant un match de l’équipe de France de handball avec toute la famille d’Yvan et Vincent et mon petit frère Mathieu. Grâce au frère d’Yvan (l’international Vincent Gérard), nous avons pu assister à tous les matches de l’équipe de France de handball.»


«Sur les toits de Paris entre deux épreuves avec ma meilleure amie Caroline.»

«À Lille avec un couple d’amis avant match de basket France – Japon.»


«Première photo après la première chimio. J’avais coupé mes cheveux en suivant les conseils de tout le monde, pour que ce soit moins difficile quand ça tombe, mais c’est quand même horrible 😅…»