«Je suis une miraculée»

Hawa N’Diaye est une figure très attachante du handball alsacien. À bientôt 30 ans, elle poursuit son tour d’Europe et va évoluer au Monténégro la saison prochaine, au ZRK Buducnost Podgorica.
Mais Hawa N’Diaye, internationale sénégalaise formée à l’ASPTT Strasbourg, c’est aussi un parcours atypique, marqué par des épreuves particulièrement douloureuses dont elle a chaque fois su se remettre pour poursuivre sa route.
En trois épisodes, handbelles.fr vous emmène à la rencontre d’une jeune femme à la détermination sans faille.

Premier épisode: L’enfance et la découverte du jeu (à lire en cliquant ici)

Deuxième épisode: Les épreuves et les rebonds (à lire en cliquant ici)

Troisième épisode: La vie de handballeuse

Handball Hawa N’Diaye, Strasbourg, Sénégal sur handbelles.fr

Handballeuse itinérante

Malgré tous les vents contraires, Hawa N’Diaye est désormais une handballeuse professionnelle. À force d’acharnement, elle est arrivée à ce but tant espéré. Elle a 22 ans, elle porte le maillot de Chambray en Indre-et-Loire.

«Une carrière est faite de circonstances
et d’opportunités à saisir»

«Mais dès la deuxième année, en 2018, je me fais mal au genou. On me fait le test du tiroir, je fais une IRM, je vais voir un chirurgien à Bordeaux, partout on me parle de rupture des ligaments croisés.

Finalement, je vais voir le Docteur Villeminot à Haguenau. Il m’opère, je sors du bloc et il me dit, gestes à l’appui, que mes ligaments vont bien, c’est juste le ménisque qui était touché. Et depuis, tout va bien.»

Enfin, le destin est devenu plus clément avec Hawa N’Diaye qui prend en 2019 le chemin de Toulon où elle jouera trois saisons, vivant notamment un match mémorable face à sa petite sœur Fily (désormais au Strasbourg ATH) qui gardait alors le but de Chambray.

«C’est là que j’ai franchi un cap. Laurisa Landre s’est blessée, une carrière est faite de circonstances et d’opportunités à saisir et je suis vite devenue une cadre de l’équipe.»

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Mais en 2022, Hawa N’Diaye avait envie d’autre chose, envie d’élargir son horizon, envie de profiter davantage de ses plus belles années.

«J’en voulais plus
et je voulais surtout savoir
jusqu’où je pouvais aller»

«J’aspirai à beaucoup plus. Je savais tous les sacrifices que j’avais fait, je trouvais que je n’avais pas assez de retour sur investissement. En France, l’horizon était un peu bouché à mon poste. J’en voulais plus et je voulais surtout savoir jusqu’où je pouvais aller.»

Avec sa coéquipière Dounia Abdourahim, elle part pour la Hongrie et le club de Siofok. Sa toute première expérience à l’étranger.

«J’ai signé un super contrat et je me retrouvais avec ma meilleure amie. Cette année était exceptionnelle, j’ai découvert encore un autre niveau d’exigence, de travail, d’autres infrastructures, un autre état d’esprit aussi. J’ai évolué grâce à Uros Bregar, le meilleur entraîneur que j’ai eu.

Ce qui est génial en voyageant, c’est que l’on apprend toujours. On découvre d’autres façons de travailler, d’aborder les matches, il n’y a pas un jour où l’on n’apprend pas quelque chose.

«On s’entraînait tellement dur, mais quand tu sais pourquoi et que tu es récompensée,
il n’y a pas de mots pour décrire cette sensation»

C’était mon année la plus dure physiquement, mais aussi la meilleure. On s’entraînait tellement dur, mais quand tu sais pourquoi et que tu es récompensée, il n’y a pas de mots pour décrire cette sensation. Je me retrouve pleinement dans ça. On ne gagnait pas tout le temps, mais ce n’est pas grave quand on a tout fait pour y arriver, c’est juste que l’on est tombé sur plus fort.

C’était un groupe exceptionnel, un esprit d’équipe que je n’ai jamais vu ailleurs, tout le monde savait pourquoi il était là.»

«J’ai kiffé Brest, le public,
j’ai croisé des gens tellement gentils»

Mais le club est en difficulté, pendant six mois, les salaires n’arrivent pas (ils seront récupérés deux ans plus tard) et Hawa N’Diaye doit refaire ses valises.

«Je suis partie à contrecœur. Je ne voulais pas rentrer en France et j’ai signé à Buzau en Roumanie. C’était plus compliqué, mais en fin d’année, Brest m’appelle suite à la blessure de Merel Freriks et là-bas j’ai passé six mois exceptionnels.

Pour la première fois, j’ai joué un rôle en Ligue des champions. Franchement, je me suis régalée avec Pablo Morel qui m’a fait une vraie place. J’ai kiffé Brest, le public, j’ai croisé des gens tellement gentils.»

La saison dernière, c’est en Slovénie, à Ljubljana qu’elle a posé ses valises pour évoluer dans un autre grand club européen, le RK Krim Mercator.

«Je ne m’attendais pas à être contactée par un club aussi prestigieux. J’étais trop contente. Mais la saison ne s’est pas passée comme on l’espérait en termes de résultat. Je n’ai pas beaucoup joué non plus.»

Désormais, on est en 2025, au mois de juillet, dans quelques jours Hawa N’Diaye aura 30 ans. Elle les fêtera au Monténégro puisque cette saison, elle portera le maillot du ZRK Buducnost Podgorica.

«Ce sera probablement ma dernière saison à l’étranger et je la prends en mode bonus parce que là non plus, je ne m’attendais pas à cette proposition. Je vais prendre ce que j’ai à prendre et essayer de kiffer.»

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Mais en parallèle de cette vie de club, Hawa N’Diaye traverse une autre magnifique aventure. Avec l’équipe du Sénégal.

Elle a encore donné un autre sens à sa carrière, à sa vie de femme surtout en renouant un lien avec la région de ses parents, située à l’Est du pays, sa maman venant de Diaroula, son papa de Toumoumba. Côté sénégalais, côté malien.

«J’étais en équipe de France jusqu’en Juniors quand “Fred” Bougeant m’a appelée. Il a été excellent, il connait son karaté comme on dit. C’est un des premiers qui a eu l’idée de sélectionner des binationales et l’aventure était tentante.

«L’équipe nationale est devenue ma famille»

Grâce au handball, c’est la première fois que je retournais au pays et j’ai adoré. L’ambiance n’avait rien à voir avec l’équipe de France, on s’échauffait en musique, on pouvait tout aussi bien travailler, mais sans être dans la rigueur absolue.

J’ai commencé en 2016, on a disputé la CAN (Coupe d’Afrique des Nations), un tout premier championnat du monde au Japon en 2019 où on a remporté une première victoire. C’était vraiment génial.

L’équipe nationale est devenue ma famille, en 2018, je suis devenue capitaine et cela a encore pris une autre dimension.
Pour rien au monde, je ne changerais mon parcours.»

Si Hawa N’Diaye apprécie les voyages et les découvertes, «je suis très ouverte d’esprit», celui-ci est incontestablement le plus beau, le plus précieux pour celle qui savoure chaque occasion de passer du temps en famille.

«Ne pas oublier d’où tu viens
te donne un équilibre»

C’est au Sénégal aussi qu’elle s’est encore plus ouverte aux autres, en donnant chaque année de sa personne et de son temps au sein de l’association “Festival des Arts Urbains”.

«On passe dix jours en mode casquette, sifflet, on amène notre matériel aussi. Cette association propose différentes activités comme de la danse, du théâtre, du sport pour les enfants des rues, des orphelinats ou des écoles.

Le sport est un levier de l’éducation et si on peut repérer l’une ou l’autre pépite pour la mettre en structure, ce serait une façon de reproduire un peu mon schéma finalement le jour où j’ai trouvé une porte de gymnase ouverte…

Cela me permet de me rendre compte que je suis bénie. Ne pas oublier d’où tu viens te donne un équilibre.»

À 30 ans, Hawa N’Diaye a toute le vie devant elle, mais a déjà vécu tant de choses que cela donne encore plus d’épaisseur aux lignes à venir. Comme une idéale conclusion.

«Est-ce que mes enfants feront du sport de haut niveau ? Je ne sais pas. Je ne sais pas non plus si je serai un fil conducteur pour leur donner cette envie.

En tout cas, moi je ne regrette pas mon parcours. Je sais ce qu’il m’a coûté, mais je sais aussi ce qu’il m’a apporté.

«Il faut sortir de sa bulle, de son quartier,
de sa ville pour apprendre que tout le monde
n’est pas comme toi.
Et que c’est précisément ça qui est beau»

Je suis toujours attachée à mes valeurs, à mes principes. J’ai toujours été gentille, mais parfois il faut s’imposer aussi. C’est une des choses que le sport m’a apprise.

Jouer à l’étranger m’a permis d’apprendre beaucoup sur moi. D’apprendre l’Anglais aussi. Parce que moi qui n’avais jamais séché un cours de toute ma scolarité, je me suis rendue compte que je ne savais pas parler, en fait.

Dos au mur, on se découvre des capacités. Voyager amène une ouverture d’esprit.

Il faut sortir de sa bulle, de son quartier, de sa ville pour apprendre que tout le monde n’est pas comme toi. Et que c’est précisément ça qui est beau.»

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