«La compétition m’appellera toujours»
À 32 ans, Laura Spaety-Antoni avait décidé de prendre du recul, de laisser derrière elle les exigences du haut niveau et de porter un regard attendri sur toutes ses années rythmées par sa vie de handballeuse. Mais finalement, la retraite attendra, elle a décidé de replonger pour aider le CS Reichstett à se reconstruire en Nationale 2.
Le soir du 24 mai 2025, Laura-Spaety était marquée. Marquée par le destin de son équipe reléguée de Nationale 1. Marquée aussi par un tourbillon d’émotions au moment de tourner une page tellement marquante de son existence. (Voir un samedi soir à Reichstett en cliquant ici)
«Il y a un peu de colère parce que derrière tout ça, il y a énormément de travail et de sacrifices, disait-elle ce soir-là. Pour Manon (Lhou Moha) et moi, ils sont encore décuplés parce que nous, nous laissons chaque fois deux petits derrière nous à la maison.
«Personne n’est indispensable,
tout le monde est utile»
Avec “Toss” (Fanny Medbou) on voulait s’arrêter sur une bonne note, oui on aurait aimé le faire. J’aurais aimé laisser l’équipe en N1 et pas en N2. Là, j’ai l’impression de gâcher un peu l’héritage que nous allons laisser.
Personne n’est indispensable, tout le monde est utile, pour moi la suite s’écrira en équipe “deux”. Le haut niveau s’arrête et ce que je retiens de ce chemin, ce sont des notions d’exigence, de rigueur et de travail. Je me revoie encore à l’ATH (Achenheim/Truchtersheim où elle a évolué jusqu’en Division 2), le soir de mon premier match en N1. C’était dans le gymnase d’Achenheim, contre Nîmes, lors de la saison 2008/2009 quand “Bénou” (Bénédicte Ducrocq, son entraîneure) m’a dit “Laura, tu rentres”, j’avais trébuché sur la ligne. Tout ce chemin parcouru ne s’efface pas comme ça malgré cette descente.»
«Ce n’est plus mon heure d’être là»
Quelques semaines plus tard, Laura Spaety-Antoni a changé d’humeur, mais aussi de projets. Avec son amie Fanny “Toss” Medbou, elle a décidé de replonger. À la demande de son entraîneur, Pierre Weiss. Les nombreux départs du groupe et les difficultés de recrutement ont abouti à cette issue.
«Bon, nous n’avons pas été trop difficiles à convaincre, rigole-t-elle. Mais je pars dans l’esprit d’être un joker pour aider à la construction d’un nouveau cycle. Ce n’est plus mon heure d’être là, je ne veux pas barrer la route de jeunes joueuses. Mais, vu le contexte, si je peux aider à faire une transition en douceur, c’est avec plaisir.»
Pourtant, il n’y avait rien d’évident non plus pour cette maman de Clémence (2 ans) et de Jules (5 ans en décembre), professeure d’EPS et responsable de la section sportive handball de Wingen-sur-Moder.
«J’ai deux enfants, j’habite à Steinbourg, je ne voulais plus faire tourner le calendrier familial en fonction du handball. Je connais les exigences de ce niveau de jeu, j’en ai mis des vacances entre parenthèses au fil des années… Mais mon mari, Marc, me disait tu ne peux pas arrêter et c’est vrai, il m’a aussi encouragée dans cette décision.»
«Aujourd’hui, mes enfants
sont un peu ma source de motivation»
Clémence et Jules sont ses premiers supporters et dans cette famille de handballeurs, ces liens, ce terreau commun est une source de grands bonheurs.
«Je trouve aussi du plaisir à travers mes enfants. Mais il faut être honnête, revenir à un niveau correct après deux grossesses demande un travail conséquent surtout avec ma morphologie.
Nous ne sommes pas encadrées comme cela peut l’être à très haut niveau, il y a une grosse part de volonté pour nous permettre d’avancer. Car c’est un chamboulement mental et physique. Il faut réapprendre à structurer son nouveau corps. C’est un chemin à trouver et le mental y fait beaucoup.
Le rapport aux blessures est différent aussi. Avant, tu pensais à toi, là c’est encore plus important de bien se préparer pour les éviter parce que tes enfants ont besoin de toi tout le temps et il faut assurer ce rôle-là quelles que soient les circonstances.
Aujourd’hui, mes enfants sont un peu ma source de motivation. Quand je les observe dans la tribune, quand je les vois me soutenir, je suis contente de la route que j’ai faite.
Pour eux, venir au gymnase, c’est la grande sortie du samedi soir, ils sont à fond. Dans la saison, ça fait du bien de les avoir, c’est une petite bulle apaisante. Et cela créé encore d’autres liens dans la famille. Mes parents nous ont transmis cette passion et des valeurs importantes, à mon frère Antoine et moi.
C’est aussi essentiel de remercier mes parents, mes beaux-parents pour les gardes du week-end, sans eux je ne pourrais pas m’épanouir dans mon loisir, c’est un soutien hyper important.»
«Je suis quelqu’un de challenge et ce nouveau challenge aide aussi à me faire repartir»
Toute la famille Spaety-Antoni va pouvoir garder ses habitudes au complexe sportif de Reichstett la saison prochaine, Laura sera toujours là sur le terrain, en Nationale 2. L’esprit club chevillé au corps, celui qu’elle partage notamment avec Fanny “Toss” Medbou.
«Si l’une repartait, l’autre aussi, c’était sûr, rigole-t-elle. La compétition m’appellera toujours. Bon, ce soir, une séance de tests physiques est au programme, un soir comme ça, on se demande “mais pourquoi tu fais tout ça ?”. On sait qu’on va en chier, mais au final, je crois que l’on aime ça. »
La prochaine saison ne sera néanmoins pas tout à fait comme les autres puisque Laura va changer de poste passant de pivot à arrière.
«Je vais peut-être pouvoir apporter davantage mon expérience sur la base arrière, j’ai quelques qualités pour y évoluer. Je suis quelqu’un de challenge et ce nouveau challenge aide aussi à me faire repartir. Cette saison va permettre de travailler le projet futur du club. Nous allons avoir un rôle intéressant, celui de faire la liaison entre les “vieilles” et les jeunes.»
«Le handball est devenu mon moment à moi»
Dans l’existence de Laura Spaety-Antoni, le handball va continuer de résonner avec passion, mais peut-être différemment.
«La place du handball a évolué au fil du temps. Quand tu es jeune, c’est presque toute ta vie, après c’est différent, on arrive peut-être à la moitié. Quand tu as des enfants, cela ne passe pas au second plan, mais sur la même ligne.
Le handball est devenu mon moment à moi. C’est peut-être aussi pour ça que je continue, c’est le moment où je souffle un peu, sans les enfants. C’est mon échappatoire, ma bulle d’air dans mon quotidien de maman, de prof, de tout quoi…
Aujourd’hui, c’est comme ça que je le vois, je suis là pour me faire plaisir dans un groupe que j’apprécie. C’est un temps pour moi, mais avec les autres.
Le 24 mai, je n’étais pas prête à repartir pour un nouveau challenge, mais j’ai de l’affection pour ce groupe, il y a une belle entente avec les coachs, de la confiance aussi.
En arrivant à Reichstett (en 2019), je ne pensais pas trouver des personnes attachantes à ce point. J’ai trouvé de très, très bonnes amies ici, avec une mention spéciale pour “Toss”, bien sûr.»
Si beaucoup de monde s’attendait finalement à cette vraie-fausse retraite («on doit un restau à pas mal de gens», rigole-t-elle), Laura Spaety-Antoni était parfaitement sincère.
«La preuve que ce n’était vraiment pas dans mes plans, pour la première fois depuis 25 ans, je vais partir en vacances au mois d’août…»
Pour la première fois, Laura va manquer une partie de la préparation estivale, mais une chose est sûre, elle sera prête à la rentrée pour apporter sa science du jeu et son impeccable état d’esprit au CS Reichstett. Avec foi. Comme toujours…





Avec Fanny “Toss” Medbou (Photo Sophie Schoepf)