«J’ai besoin de me sentir utile»
À 25 ans, Joanna Fussler garde le but de l’ASPTT Strasbourg avec passion. Avec un air de défi aussi, elle qui se définit volontiers comme «une gardienne très atypique». Mais c’est également probablement son gabarit hors normes qui a forgé son caractère.
Tout a commencé un peu par hasard pour Joanna Fussler qui a débuté le handball à 6 ans au club de Strasbourg Sud. «Une cousine de mon papa jouait à un assez bon niveau et ça lui a donné envie de m’inscrire. J’ai commencé à l’école de handball, je jouais avec ma cousine Célia qui est un peu comme ma sœur et je devais avoir 13 ans quand le club a joué en entente avec l’ASPTT.»
«Petite, j’étais grande et puis j’ai arrêté de grandir»
Depuis, son maillot sera couleur orange, même si le sien est devenu un peu différent des autres. «En fait, au début je jouais sur le terrain, j’étais arrière, dit-elle avant d’éclater de rire. Petite, j’étais grande et puis j’ai arrêté de grandir. Vers 10 ou 11 ans, on m’a désignée pour aller au but et j’ai kiffé. On est solitaire au sein d’une équipe. Pour moi, c’était le meilleur poste pour apporter ma pierre à l’édifice.»
Il fallait néanmoins s’adapter et appréhender l’arrivée vers soi de ballons peu amicaux. «Quand j’ai commencé, on faisait un exercice où j’étais allongée par terre et les filles devaient dribbler tout autour de ma tête, raconte-t-elle avec bonne humeur. C’était pour ne plus avoir peur de la balle et pour moi, ça a bien marché, ça m’a beaucoup aidée. Mon papa, Christophe, me suivait déjà beaucoup, il était assez exigeant, il m’a surtout toujours soutenue pour donner le meilleur de moi-même. Cela m’a permis de fixer certains objectifs. J’ai toujours été très compétitrice.»
«Je suis obligée d’être très explosive, je travaille beaucoup sur l’anticipation»
Mais il a donc aussi fallu composer avec une donnée particulière. «Je mesure 1m58 et je le prends à la rigolade.» Devant une cage qui mesure deux mètres de haut et trois de large, il faut meubler l’espace.
«J’ai un gabarit très atypique qui paradoxalement pose des problèmes aux joueuses. Elles cherchent rarement la lucarne qui est quasiment impossible à atteindre pour moi. Ça me donne vraiment de l’énergie quand j’entends dire du côté de nos adversaires: “Tirez en haut”, ça me motive, ça me booste. Je suis obligée d’être très explosive, je travaille beaucoup sur l’anticipation. C’est pour ça que j’arrive à me débrouiller, même si je n’aurais jamais pensé atteindre le niveau N1. Mais on me fait confiance, j’ai besoin de ça, j’ai besoin que l’on m’encourage.»
La trajectoire de Joanna Fussler n’a néanmoins pas été rectiligne. «En -18 ans, j’étais un peu trop euphorique, trop excitée, j’avais des problèmes de comportement et je n’ai pas fini la saison. Il fallait prendre le temps de me calmer.» Mais elle n’a pas lâché, comme elle a su rebondir après une opération aux ligaments du genou en 2021. «Je suis quelqu’un qui n’aime pas du tout les séances de kiné, les phases de reprises, la musculation, je suis revenue très vite au gymnase pour être avec le groupe. Au bout de six mois, j’ai retrouvé le terrain, mais c’était avec l’équipe III. Ça m’a fait mal, mais c’était pour mon bien.»
«Nous avons toutes envie de nous battre pour nos copines»
C’est que Joanna Fussler était déjà bien plus habituée aux joutes du championnat de France (N3, puis N2). Elle va vite le retrouver. Et bientôt à un niveau supérieur. «Quand Lisa (Stritt) est partie en 2022, j’ai pleinement intégré le groupe de N1 avec une place de “titulaire” avec Ornella (Andreacchio). La première année était difficile, je me mettais beaucoup de pression pour être à la hauteur de Lisa qui, pour moi, est la meilleure gardienne alsacienne. Mais c’est allé de mieux en mieux et nous avons terminé à une belle 5e place.»
Cette saison, l’ASPTT Strasbourg évolue en N2 après sa descente de N1 l’été dernier, mais compte bien y retourner. «Ça fait onze ans que je suis à l’ASPTT, nous avons un groupe hyper soudé, il y a une très belle ambiance, nous avons toutes envie de nous battre pour nos copines. Et je remercie Reda (Housni, son entraîneur) qui m’a toujours soutenue, toujours épaulée. C’est pour tout cela que je suis restée malgré la dernière saison qui a été très difficile. Pour le moment, nous avons tout gagné et ce n’est que du bonheur. J’espère que ça va durer pour pouvoir retrouver la N1 l’année prochaine. »
«J’espère que tout cela va durer encore longtemps»
Actuellement assistante d’éducation au Lycée Couffignal à Strasbourg, Joanna Fussler, également attirée par les films d’horreur, imagine son avenir comme professeur des écoles. « J’aime la relation avec les élèves pour les inciter à faire du sport, par exemple. En fait, j’ai besoin de me sentir utile autant dans le sport que dans ma vie. Apporter des connaissances, donner une éducation aux enfants pour imaginer, on l’espère, un monde un peu meilleur.»
La conclusion de ces lignes est signée Joanna Fussler. «J’espère que tout cela va durer encore longtemps, parce que je ne suis pas prête à arrêter. Comme tout le monde dans l’équipe, je nous souhaite de monter en N1 à la fin de la saison et un grand merci à mes coéquipières. Ce sont mes derniers mots.»
